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WILL SMITH A GÂCHÉ SON MOMENT ET LE NÔTRE

En giflant la star de l’humour Chris Rock lors de la 94ᵉ cérémonie des Oscars, Will Smith n’a pas simplement détruit son image, il a aussi terni la lutte des afro-américains pour une meilleure représentation des Noirs à Hollywood.

 

Pour la première fois, des stars afro-américaines à la direction des Oscars

Et pourtant, tout avait bien commencé lors de cette soirée du 27 mars. L’académie des Oscars avait confié, pour la première fois, la production de sa 94ᵉ cérémonie au Dolby Theatre à Hollywood à des producteurs afro-américains Will Packer et Shayla Cowan, dans l’espoir de relancer des audiences en berne depuis plusieurs éditions.

La chanteuse Beyoncé ouvrait la cérémonie par sa chanson “Be Alive”, extrait de la bande originale du film La Méthode Williams et nommée à l’Oscar de la meilleure chanson originale. Le dj et producteur DJ Khaled introduisait les présentatrices des Oscars, les afro-américaines Regina Hall (actrice), Wanda Sykes (humoriste) et l’humoriste caucasienne Amy Schumer. Dj D-Nice (ex-membre du groupe Boogie Down Productions du rappeur KRS ONE) assurait les transitions musicales entre les remises des récompenses. Bref, on se serait cru durant un moment à une cérémonie afro-américaine des BET awards.

Inimaginable il y a encore quelques années, quand des stars afro-américaines du cinéma, notamment Jada Pinkett-Smith et Spike Lee appelaient au boycott des Oscars par manque de représentations de Noirs dans les nominations avec #Oscar So White.

Depuis, devant cette fronde, l’académie des Oscars a réagi promptement en mettant une politique inclusive qui aura pour conséquence une représentation conséquente de non-blancs et de femmes au sein de ses membres. Cela s’est traduit par davantage de nominations et de récompenses de Noirs dans les catégories reines depuis quelques années qui est aussi en corrélation avec le succès du cinéma afro-américain au box-office, particulièrement l’année 2018 qui reste une année record pour ce cinéma en termes de recettes avec 1,5 milliard de dollars.

Devant ce contexte favorable en raison de décennies de luttes pour imposer le cinéma afro-américain longtemps méprisé par Hollywood, qui le voyait comme une menace incarnée par Spike Lee, cette 94ᵉ cérémonie des Oscars était l’occasion de célébrer ce cinéma et aussi la culture afro-américaine, devenue un élément essentiel de la pop culture, à une heure de grande écoute. Et patatras…  

 

Le suicide médiatique de Will Smith

L’une des plus grandes stars du cinéma et de la culture mainstream, considéré comme le mec le plus “cool” de Hollywood en l’occurrence Will Smith alias The Fresh Prince (Le Prince de Bel Air) pète littéralement les plombs et provoque la stupeur et la sidération au Dolby Theatre en giflant sur scène et en l’insultant par la suite assis sur son siège l’humoriste Chris Rock en raison d’une blague sur la coiffure de sa femme Jada Pinkett-Smith.

Un suicide médiatique en termes d’image qui suscite l’incompréhension tant cette cérémonie devait être le couronnement de 30 ans de carrière de Will Smith en le consacrant meilleur acteur pour son rôle de Richard Williams dans le biopic “La Méthode Williams” sur le père des joueuses de tennis Venus et Serena Williams.

Durant cette séquence, l’acteur s’est comporté comme un voyou. Il ne se serait jamais permis de frapper un homme blanc, une femme blanche et encore moins une femme noire, mais il le fait à un homme noir, car Chris Rock est perçu comme le méchant qui a voulu humilier une femme noire en faisant une vanne sur ses cheveux. Et cela sous-entend qu’on peut tout se permettre quand il s’agit d’un homme noir, y compris venant des hommes noirs eux-mêmes. Le youtubeur et analyste musical Steevy de Musicfeelings l’explique très clairement dans sa vidéo “Will Smith : Vrai Héros Pour Les Femmes Ou Simple Brute ?” Donc pour certains, le comique Chris Rock est l’agresseur et non la victime avec sa blague. Mais qui est-il vraiment ?

 


Lire aussi : CHRIS ROCK ACCUEILLI PAR UNE STANDING OVATION POUR SON PREMIER SPECTACLE POST-OSCARS


Chris Rock, une star du stand-up

L’humoriste afro-américain a émergé durant les années 80 dans le sillage de la star Eddie Murphy (Il apparaît pour la première fois à l’écran dans le Flic de Beverly Hills 2) aux côtés d’autres humoristes afro-américains tels feu Robin Harris (vu dans Do The Right Thing de Spike Lee), Sinbad (la série Campus Show de Bill Cosby) et Damon Wayans (Ma Famille D’abord).

Il connaît véritablement le succès durant les années 90 avec ses shows sur la chaîne câblée américaine HBO, avant de devenir une véritable star de l’humour et une référence à partir des années 2000 notamment avec son spectacle Never Scared. Il sera par deux fois le présentateur des Oscars en 2005 et 2016. Chris Rock est aujourd’hui un monstre sacré de l’humour. Avec l’humoriste afro-américain Dave Chappelle, ils maintiennent l’humour au sommet dans le monde. Sans eux, le stand-up serait à terre aujourd’hui.

L’humour de Chris Rock, comme ses pairs afro-américains, est un humour noir qui se caractérise par l’auto-dérision, le vécu des afro-américains et une part importante de subversion. Donc le voir faire une blague aux Oscars sur la coiffure de Jada Pinkett-Smith est quelque chose de banal pour ceux qui connaissent le travail du comique. Il est aussi soucieux des aspirations et des revendications des afro-américains. Il suffit d’écouter son monologue co-écrit par Dave Chappelle aux Oscars 2016 au moment du boycott de la cérémonie par les stars afro-américaines et de voir ses spectacles. C’est sans doute pour ces raisons qu’il n’a pas voulu accabler Will Smith, car il a mesuré l’impact désastreux qu’aurait eu l’arrestation du comédien par la police en pleine cérémonie, s’il avait décidé de porter plainte suite à la gifle, auprès de la communauté afro-américaine. 

Quant à Will Smith, qui ne s’est pas excusé auprès de Chris Rock au moment de recevoir son Oscar du meilleur acteur durant la cérémonie, son bannissement pendant 10 ans des cérémonies de l’académie des Oscars suite à la gifle vient porter un coup d’arrêt très rude à une success story afro-américaine, dont l’image de l’acteur en sort définitivement détruite.

 

Ma rencontre avec Will Smith 

Essimi-Mévégue-Will-SmithJ’ai rencontré à plusieurs reprises Will Smith à Paris dans le cadre de la promotion de ses films. La première fois, c’était pour le film I, Robot en 2004 et cela reste ma plus belle rencontre professionnelle à ce jour. Durant la conférence de presse pour le film, il indiquait avec humour devant tous les journalistes que j’étais le seul journaliste noir dans la salle et m’invita par la suite à la soirée de la sortie du film. C’était quelqu’un de bienveillant, qui m’avait présenté à toute sa famille et toujours soucieux de te mettre à l’aise. D’où mon incompréhension et ma consternation devant ce geste inexcusable auprès de Chris Rock qui me rappelle celui de Zinedine Zidane à la finale de la coupe du monde de football en 2006 et me revient subitement la réaction du commentateur et journaliste sportif feu Thierry Gilardi que j’appliquerais à l’acteur : « Oh Will ! Pas ça Will !  Pas aujourd’hui, pas maintenant, pas après tout ce que tu as fait ! ». Tristesse. 

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