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Il était une fois le Bronx : aux origines du hip-hop (1/2)

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Par Antoine « Wave » Garnier.

 

La série « The Get Down » sur Netflix co-produite par Nas nous plonge dans cette époque.  La fondation du mouvement hip-hop s’est construite grâce à eux. Certains ont pourtant été sacrifiés en chemin sur l’autel de la réduction de cette culture. A l’image de Afrika Bambaataa qui n’arrivait plus à faire passer son message politique sur microsillons, de Reid Alert qui a lutté pour garder l’une des premières émissions sur le rap à New-York ou encore Crazy Legs, marginalisé par le marketing de l’époque. Notre regretté Antoine « Wave » Garnier » (1965-2009) était allé, en 1992, à la rencontre de ces écorchés vifs dans leur fief du Bronx. 

 

Antoine "Wave" Garnier

Antoine « Wave » Garnier (1965-2009) Le meilleur spécialiste du rap américain. Auteur de « Les Suprêmes / La révolution vibracultic » (2006), « Souffle, au cœur de la génération Hip-hop Tome 1 & 2 / Entre New York et Paris (1986-2003) » (Editions Alias, 2003)

Aux origines du mouvement

DJ Red Alert« Yeahhhh This is Kool DJ Alert and we’re in Manhattan, The Bronx, Queens, Brooklyn, Long Island, Connecticut, New Jersey or Upstateand we’re gonna crack it up like thiiiiiis ». Tous les homeboys qui ont eu l’occasion d’écouter le show le plus populaire du « mouv » sur 98.7 Kiss FM New-York connaissent ces « liners ». Néanmoins, malgré les apparences, Red se bat toujours pour maintenir six heures de hip-hop hebdomadaire dans la mégalopole qui a vu naître le mouvement le plus important de ces années. Un paradoxe ? Oui, en quelque sorte. Le hip-hop est partout, de Paris (IZB in effect) à Tokyo (KRS1 It-chi-ba). La réticence des majors à ne promouvoir le rap autrement qu’aseptisé, s’inscrit dans une politique contradictoire au regard des milliards qu’elles en tirent. Le rappeur Heavy D a déclaré qu’il ne gagnait que 5% des dix à vingt millions que rapporte chaque album. Face à l’exploitation commerciale de cette culture, de la fermeture de ses lieux d’expression, les « Unions Square », « Studio 54 », « T-Connection » et autres « Latin Quarters », que sont devenus tous ceux qui n’ont pas réussi à signer un contrat de disques, à négocier une participation dans le clip vidéo d’une popstar ou à gagner leur entrée dans un studio pour y apprendre les techniques d’enregistrement ?

 

 


Lire aussi : RIP Antoine « Wave » Garnier : Le « Rap-Porteur »


MC Hammer / Vanilia Ice, les machines à tubes

Aux Etats-Unis, un.e artiste noir.e ne peut atteindre des classements stratosphériques sans obtenir les suffrages du public blanc car le public noir seul n’est pas suffisant. Cette situation est notamment illustrée par les cas de Public Enemy, Michael Jackson, MC Hammer ou Vanilia Ice. Si l’on se penche sur ce dernier cas, la formule consiste à utiliser la forme la plus simple du rap afin que les personnes qui s’y intéressent mais qui n’y connaissent pas grand-chose (car des trucs comme comme De la Soul ou Brand Nubian sont trop compliqués pour ceux qui ne cherchent qu’un produit fast-food). Pour ceux-là, reprendre  « You Can’t Touch This » (une reprise de « Super Freak » de Rick James, plus de 10 millions d’exemplaires vendus)  ou  « Ice Ice Baby » (11 millions d’exemplaires vendus de l’album To The Extreme, 1990) de suffisent pour s’identifier à MC Hammer ou Vanilla Ice ou se convaincre d’avoir compris ce que représente le rap. C’est du spectacle et on est en droit de se demander si ces deux artistes auraient réalisé de tels scores s’ils n’avaient eu le soutien de superbes vidéos (Hammer) ou de concerts « ultra-promotionnés » (Vanilia Ice) ? Alors que des centaines d’anonymes se les gèlent dans les « projects » de New-York ou d’ailleurs, organisant presque dans l’intimité de leurs blocks décrépis les « parties » d’antan qui ont donné naissance aux grandes légendes du rap, un groupe de marioles à la cravate en soie et aux cheveux blonds profitent, dans un exercice aseptisé, des graines semées par ces initiateurs de la culture hip-hop.

En 1992, ces « oubliés du Bronx » attendent toujours une reconnaissance. Un récent passage du côté du Bronx River Center, lieu de naissance mythique de cette culture pose une série de questions : qu’est-il advenu de la Zulu Nation de Afrika Bambaataa dont les médias ne se rappellent que pour qualifier les agissements de la « racaille » ?

 

 

Afrika Bambaataa, l’interview

Antoine « Uptown » Garnier vous propose sous la forme d’une enquête de répondre aux critiques faites à la Zulu Nation avec une interview avec son porte-parole, Afrika Bambaataa ; un dialogue avec le talentueux Lord Finesse, candidat au disque d’or, qui parle de ses déboires ; Une intervention de l’inventeur du « breakdancing/electric boogie ; Crazy Legs qui s’exprime sur l’utilisation sans crédit de sa création (les 3 minutes dans « Flashdance », ce sont eux. Libre à vous de forger votre propre opinion.

Je les rencontre autour d’une table en pierre qui sert à jouer aux échecs au beau milieu d’une toile «  projects » (HLM). Nous sommes dans la partie nord du Bronx. Une Porsche rouge feu, garée en bas d’un des immeubles, contraste avec la couleur passée d’un VTT que monte un jeune garçon.

 

Black News : Afrika, selon certains, la Zulu Nation n’existerait plus. Considères-tu qu’en 1992, elle reflète l’idée que tu en avais quand tu l’as démarré il y a plus de 17 ans ?

Bambaataa : Dans la plupart des cas, ce sont les leaders de chaque pays qui contrôlent l’application des principes de la Zula Nation. La méthode en Belgique est différente de la française qui est, elle-même différente de celle appliquée en Angleterre. Ils prennent en compte les spécificités du pays. De mon côté, elle reflète mon idéologie, l’idéologie du conseil depuis des années, mais nous sommes tous unis et nous croyons tous au même but. Il y a certains qui déconnent un peu et d’autres qui sont honnêtes dabs leur missions d’aider les peuples de couleur. C’est la Zulu Nation.

BN : En quoi certains se seraient-ils écartés des règles d’origine de la  Zulu Nation. Quels seraient les différences de « fonctionnement » de la Zulu Nation en France et en Belgique ?

Bam : Beaucoup ont les règles de base mais ils n’ont pas la pratique car certaines des leçons ne sont spécifiques qu’aux problèmes de la société américaine, comme par exemple le racisme. Bien qu’il y ait des bases universelles valables pour tous, il est du ressort des leaders « locaux » d’apprendre à maîtriser les problèmes spécifiques à leur pays d’origine. Nous sommes une organisation mondiale et nous avons un drapeau universel que tout le monde respecte : la Zulu Nation.

BN : En France, par exemple, beaucoup de jeunes Blancs pensent que les valeurs du « peace movement » et de fraternité entre les peuples ont disparu de l’application de la Zulu Nation. Qu’en penses-tu ?

Bam : Je crois que ces valeurs sont encore vivantes. Tu as toutes ces maisons de disques qui reprennent ce thème : Farm Aid, Live Aid, We Are The World. C’est à la télévision tous les jours, ces différents groupes qui jouent ensemble pour une cause. Celui qui ne voit pas cela veut simplement être aveugle.

 

 

BN : Quel est l’événement qui, en tant que père de la Zulu Nation, t’a le plus choqué lors de tes différents voyages ?

Bam : Ce qui m’a le plus choqué, c’est de constater qu’il y a toujours énormément de gens qui ne réalisent pas ce qui se passe dans le monde d’aujourd’hui, qui ne réalisent pas l’importance du racisme entre pays. Je crois que les Noirs d’Europe ont tout spécialement besoin de leaders forts comme nous en avons aux Etats-Unis : le Ministre Farrakhan, Malcolm X et révérend Sharpton. Car ils rencontrent toujours les mêmes problèmes liés au racisme qui sont mis en sourdine. De même, les jeunes Blancs doivent se réveiller et chercher à connaître la vérité. Découvrir les autres cultures que la leur afin de mieux comprendre pourquoi il y a plus de nos fans du côté des Noirs, des Arabes, de Sud-Américains ou d’autres peuples de couleur. Car ils sont persuadés qu’ils sont la source de tout et cela leur crée une mentalité aux relents racistes. Nous connaissons tous l’histoire des Blancs, il est temps que ces derniers connaissent réellement l’histoire des peuples de couleur. En réalité, il est temps que tout le monde se cherche, soi-même d’abord, ensuite son prochain.

B.N. : Quels sont les personnages ou les personnalités qui t’ont marqué ?
Bam :
Les gens qui font quelque chose pour les autres. Les gens qui croient en l’atmosphère de la terre et travaillent pour la sauver, ces organisations comme
la Nation de l’Islam, Amnesty International, Greenpeace, Stop For Hunger. Quiconque travaille à améliorer le sort des humains et celui des animaux. C’est de là que je tire ma force.

B.N. : Quelles sont les activités que ta position de leader requiert ?
Afrikaa Bambaataa :
Tout d’ abord, je ne suis pas le leader de la Zulu Nation. J’en suis le fondateur. J’en étais autrefois le leader, mais aujourd’hui il y a un conseil qui contrôle la Nation. Mon job est de voya­ger et de rester en contact avec les autres leaders en poste dans le monde et de leur prodiguer une information quand ils en
ont besoin.

 

« Les Noirs d’Europe ont tout spécialement besoin de leaders forts comme nous en avons aux Etats-Unis, car ils rencontrent toujours les mêmes problèmes liés au racisme. De même, les jeunes Blancs doivent se réveiller et chercher à connaître la vérité. »

B.N. : A quel niveau ? Celui de la Zulu Nation ou au niveau de l’industrie du disque ou dans d’autres domaines? 

Bam : A tout ce qui touche à la vie des gens. Que ce soit Zulu ou pas, que ce soit les Black Panthers de France ou les Five Percent Nation aux Etats-Unis,  les skinheads ou le Front National, je dois être informé et en alerte.

B.N. : Quelle est ta perception de l’état du rap aujourd’hui ?
Bam :
Drôle, dangereux, instructif, idiot, et il est temps de l’organiser et qu’ il retourne entre nos mains.

B.N. : Pourrais-tu être plus précis quand tu dis drôle et dangereux ?
Bam :
Tu as du hip-hop qui raconte sim­plement des conneries du style « nigger »,
« bitches », « je te fous en l’air » ou « je vais te tuer » et qui influence des gens. Cela peut aussi ·être dangereux car tu as un public qui peut croire qu’il faut se prêter au jeu et cela se retourne contre notre communauté. Tu as le côté fun qui est celui de faire de l’argent, de voyager. Tu as le côté business où il te faut savoir qui tu payes, pourquoi, et qui contrôle ? Il y a énormément de choses dans le monde du rap. Le rap joue un rôle important non seulement dans l’économie américaine mais dans l’industrie mondiale du disque. Beaucoup d’artistes de rap ont vendu plus que les artistes pop tra­ditionnels même si on ne le dit pas. Car ils détiennent les moyens de distribuer un produit : la télévision. Ils te montrent la vidéo d’un groupe de heavy metal plu­sieurs fois par jour et très peu ou pas d’artiste rap.

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