MO ABUDU, la « Oprah nigériane », la productrice derrière le succès de « Blood Sisters »
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Classée dans le Top 100 « des femmes les plus puissantes du monde » par Forbes, Mo Abudu est aussi surnommée la « Oprah Winfrey nigériane ». Magnat du divertissement, philanthrope, Mo Abudu est la productrice derrière le succès de la série Blood Sisters. Portrait.
Mo Abudu est aujourd’hui à la tête d’un empire médiatique, EbonyLife Media, qui comprend une branche de production, un studio de cinéma et de télévision, une académie de création et même un « centre de loisirs et de style de vie » haut de gamme sur l’île Victoria, à Lagos. Récipiendaire du prix international du leadership féminin de Variety, Mo comme on l’appelle désormais, est une productrice avisée.
Le buzz de la série Blood Sisters (lire notre article) – plus de 11 millions de téléspectateurs dans la semaine du 2 au 8 mai – a fini de convaincre de la justesse des choix de Mo Abudu, née Mosunmola à Londres en 1964, d’un père ingénieur et d’une mère traiteur. A 7 ans, Mosunmola qui signifie en Yoruba, « celui qui est proche de la richesse », vit avec sa grand-mère au Nigeria pour rejoindre la Grande-Bretagne quatre ans plus tard. Le crédo de Mo Abudu, classée 98e dans le Top 100 des femmes les plus puissantes du monde du magazine Forbes : valoriser l’expérience et l’héritage culturel noir avec en ligne de mire un changement du récit sur l’Afrique. Son objectif : imposer l’Afrique dans l’industrie mondiale du divertissement, d’où le nom de sa société EbonyLife, la vie des Noirs. Dans une interview au magazine Variety, Mo affirme sans ambages : « Les Africains auront leur jour de gloire. »
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Elle produit son premier film, Fifty, sur les cougars et les femmes de 50 ans qui ont réussi, que vous pouvez regarder sur Netflix. Puis, pêle-mêle, les séries Castle & Castle, une série judiciaire qui met en lumière un couple d’avocats aux objectifs opposés qui finira par voir leur union affectée, est sortie de sa boîte de production, Ebonylife TV. The Governor, l’ascension d’une adjointe au poste de gouverneur de sa région, suite à un drame ; Chief Daddy, un film tragicomique, une bataille autour d’un héritage, met les nerfs de la famille héritière à vif qui a généré plus de 100 000 dollars le premier weekend de sa diffusion au Nigeria.
Mais plus fort encore, la série Les fils du Califat, une saga nigériane avec tous les ingrédients qui minent la société nigériane : corruption à tous les étages, notamment dans la police, les intrigues familiales, les castes de riches qui se permettent tout, la tradition qui s’impose au détriment des aspirations personnelles. Tout y est. Amour, intrigues, politique, société. Les fils du Califat, c’est le parcours de trois amis d’enfance cupides, de familles aisées qui vont finalement s’opposer ; d’abord dans la course au gouvernorat, à l’obtention de l’être aimé et finalement dans un meurtre sordide avec en toile de fond, une histoire de vengeance. Deux saisons de treize épisodes chacune, qui tiennent en haleine le spectateur et montre que Mo Abudu a de la suite dans les idées. Entre traditions Haoussa et Ibo et trahisons en tous genres, la série dévoile des personnages complexes, mais familiers.
Pouvoir, argent, amours, Intrigues familiales sont les thèmes de prédilection de la star du divertissement nigérian. Avec son contrat pluriannuel avec Netflix, Mo nous réserve certainement encore d’autres surprises.
« Ici, j’ai dû apprendre à me défendre, à défendre mon identité et ma race dans un environnement où l’on vous pose continuellement les questions les plus ridicules et les plus époustouflantes du genre « Est-ce que vous vivez dans les arbres et les trous en Afrique ? » »
Une ambition pour l’Afrique
Dans une interview de 2015 à Forbes, Abudu avait déjà son objectif bien ancré : donner de la présence à l’Afrique dans le concert des médias internationaux. « L’ironie était que dès 2006, lorsque j’ai approché DStv pour la première fois avec la proposition que l’Afrique était mûre pour sa propre émission d’Oprah Winfrey ou d’Ellen DeGeneres », explique-t-elle, « je demandais déjà en même temps une opportunité de chaîne de télévision mondiale. En même temps, j’explorais les possibilités de canal avec SKY au Royaume-Uni. J’ai toujours estimé que la vision de projeter l’Afrique sous un jour différent et plus positif nécessitait une grande plate-forme et c’est ce qui m’a incité à commencer à penser à créer EbonyLifeTV. En regardant en arrière maintenant et en considérant à quel point le rêve était ambitieux et tout ce que nous avons dû surmonter pour arriver là où nous sommes maintenant, il faut admettre que le temps fixé par Dieu est toujours le meilleur. «
« Ma passion pour aider à changer le récit sur l’Afrique a commencé à grandir dès mon adolescence au Royaume-Uni, à l’école à Tunbridge Wells dans le Kent, une ville qui ne comptait que quelques Noirs à l’époque. Comme je l’ai dit à maintes reprises dans le passé, ici, j’ai dû apprendre à me défendre, à défendre mon identité et ma race dans un environnement où l’on vous pose continuellement les questions les plus ridicules et les plus époustouflantes du genre « Est-ce que vous vivez dans les arbres et les trous en Afrique ? » « Est-ce que vous dansez autour des feux ? » « Qu’est-ce que tu manges au petit-déjeuner ? »
Des partenariats avec les plus grands
Au cours des trois dernières années, Mo Abudu a conclu des accords avec Netflix, Sony Pictures Television, AMC Networks et les studios Westbrook de Will Smith et Jada Pinkett Smith. Selon Variety, EbonyLife développe et produit actuellement un ambitieux programme d’environ 20 longs métrages et séries dans différents genres. Parmi les projets en cours, la série afrofuturiste Nigeria 2099 pour AMC et la comédie Are We Getting Married pour Westbrook.
Présidente du 47e gala international des Emmy Awards à New York en 2019, Abudu a d’abord signé, en 2018, avec Sony Pictures pour la coproduction de The Dahomey Warriors, une série sur les Amazones qui ont affronté les colonialistes français au XIXe siècle.
Selon Forbes, l’accord avec Netflix était une première pour une société africaine de médias de signer un accord multititres à la fois pour le cinéma et la télévision avec le géant du streaming.
En juin 2020, EnobyLife signe avec Netflix un accord qui stipule une création de deux séries originales ainsi que plusieurs films estampillés Netflix. Dans ce lot sont prévus une adaptation cinématographique de La mort et le cavalier du roi, une pièce de théâtre du lauréat du prix Nobel Wole Soyinka, et une série basée sur le premier roman à succès de Lola Shoneyin, Les vies secrètes des épouses de Baba Segi.
Selon Stringfixer, Netflix a lancé, septembre 2020, Oloture, une histoire de Mo Abudu tournée à Lagos, principalement centré sur la traite des êtres humains au Nigeria. « Òlòtūré explore un monde que très peu de gens connaissent, et qui a dû être traité d’une manière particulière », a-t-elle expliqué. « Ce n’est pas un documentaire, mais il aborde de vrais problèmes que la plupart de notre société ne voit pas, en exploitant les talents de certains des meilleurs acteurs et cinéastes du pays pour produire un film à la fois intelligent et profond – et qui brise un nouveau genre audacieux et un nouveau terrain stylistique pour Nollywood. »
Des cosmétiques aux Médias
En 1983, Mo Abudu est l’ambassadrice de la marque de cosmétique Avon. Quatre ans plus tard, en 1987, elle se retrouve en tant que consultante au sein du cabinet Atlas Recruitment Consultancy au Royaume-Uni. En 1993, elle fait son retour au Nigeria, chargée par Athur Anderssen des ressources humaines pour la société pétrolière Exxon Mobile.
C’est en 2006 qu’elle fait son entrée dans l’univers du divertissement avec la création d’une chaîne, EbonyLife TV qui émettra via la chaîne de câble sud-africain DStv vers 49 pays d’Afrique, du Royaume-Uni et des caraïbes. C’est en 2009, qu’elle crée l’émission qui finira par l’imposer, Moment With Mo, calqué sur les talkshows à la Oprah Winfrey, d’où le surnom de « Oprah nigériane ». C’est un immense succès grâce au relais en 2013 par la chaine sud-africaine qui l’expose en leader des médias du continent. Parmi les invités figuraient des célébrités, des présidents, des lauréats du prix Nobel et la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton.
Elle est aussi, en 2009, la créatrice et la productrice de l’émission de télé-réalité The Debaters, dont l’objectif est de « donner une voix à l’Afrique » par la promotion de l’oratoire.
L’objectif d’Abudu : « mettre en lumière la vie et les réalisations d’un Africain généralement bien connu, mais parfois inconnu qui, par son ou sa propre ténacité et détermination, a accompli quelque chose, surmonté quelque chose ou été un catalyseur pour quelque chose qui fait d’elle ou de lui un modèle pour les autres. »
Elle a reçu la Médaille d’Honneur 2019 du MIPTV, à Cannes, faisant d’elle la première Africaine à recevoir ce prix réputé. Puis, répertoriée dans la Powerlist 2020, répertoriant le Top 100 des personnes les plus influentes au Royaume-Uni d’origine africaine/afro-caribéenne.
En 2019, Abudu lance EbonyLife Place, un complexe de divertissement situé sur l’île Victoria, composé de salles de cinémas, de restaurants et de salons VIP.