Le griot #MoryKanté a définitivement posé sa kora, à 70 ans
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Par Lise-Marie Ranner-Luxin
La musique et la culture africaine sont à nouveau en deuil. Après Manu Dibango, Tony Allen, Idir, c’est autour de Mory Kanté de tirer sa révérence. Le chanteur guinéen qui a fait danser la planète entière avec son tube « Yéké Yéké » s’est éteint dans un hôpital de Conakry des suites d’une longue maladie, à l’âge de 70 ans.
Issu d’une longue dynastie de griots, il avait choisi la musique
Mory Kanté est né le 29 mars 1950 en Guinée, dans une impressionnante fratrie de trente-huit enfants. Descendant de El Hadj Djeli Fodé Kanté un griot réputé, il est naturellement initié aux traditions, aux chants, et aux instruments qui devaient lui permettre de devenir griot à son tour. Avec l’arrivée de la rumba zaïroise dans les années 60, Mory Kanté est happé par la musique et se met à la guitare tout en étudiant à l’Institut des Arts de Bamako.
Il intègre en 1971 le Super Rail Band de Bamako, avant de succéder en 1973 au chanteur principal qui n’est autre que Salif Keita, célèbre chanteur albinos originaire du Mali. Mory Kanté s’initie à la harpe africaine à vingt-et-une cordes, la kora, alors même que sa tradition familiale désigne le balafon comme instrument de référence. C’est cette transgression qui sera pourtant à l’origine de son plus gros succès basé sur les sonorités de la kora.
Une dimension continentale avant de partir pour l’Europe
Après sa période avec le Super Rail Band de Bamako, Mory Kanté s’établit en 1978 à Abidjan en Côte d’Ivoire où les moyens d’enregistrements sont bien supérieurs alors à ceux du Mali, et mélange les sons traditionnels avec les rythmes occidentaux, en enregistrant en 1981 l’album Courougnègnè. Déjà très connu dans toute l’Afrique de l’Ouest, Mory Kanté prend alors une dimension continentale. En 1984, il décide de partir pour la France où il connait un vif succès. Il enregistre cette même année l’album A Paris et commence à tourner dans toute l’Europe.
Un des apôtres de la World music
Au début des année 80, la musique africaine explose en Occident avec la naissance de la world music, mélange des rythmes traditionnels du monde entier et des sons modernes, rock, funk, jazz ou électroniques. C’est tout naturellement que Mory Kante va s’imposer sur ce marché musical. En 1985 avec 10 Cola Nuts réalisé avec le producteur David Sancious, ancien clavier du E. Street Band de Bruce Springsteen, le succès est au rendez-vous et l’aura de Mory Kanté ne cesse de grandir pour sa vision moderniste de la musique africaine. Il enregistre Akwaba Beach en 1987, et le titre « Yéké Yéké » obtient un succès phénoménal à travers le monde, tandis que Akwaba Beach est classé dans les hip parades de nombreux pays, mais curieusement pas en France. Mory Kanté reçoit tout de même une Victoire de la Musique en 1988 pour Akwaba Beach.
Il multiplie les concerts, avant de connaitre son premier échec
En 1990, Mory Kanté est au sommet. Il enregistre l’album Touma avec la participation de Carlos Santana, et se produit lors d’un concert à Central Park à New York en compagnie de Khaled. En 1991 il est invité à donner un concert lors de l’inauguration de la Grande Arche de La Défense à Paris. En 1994, c’est la déception, Nongo Village ne rencontre pas son public.
https://www.youtube.com/watch?v=anflxs1PuaU
Surnommé le Griot électrique
Le surnom lui a été donné après le succès avec son album Akwaba Beach. Pourtant, Mory Kanté a toujours affiché son désir de revenir à ses racines avec une musique plus traditionnelle. Mais c’est vers l’électro qu’il se tourne avec Tatebola en 1996, et enregistre Tamala en 2001. Il sort un Best of en 2002, en misant toujours sur « Yéké Yéké » devenu un classique de la world music. Avec Sabou en 2004, il tente un retour aux sources, et crée un centre culturel dans la banlieue de Bamako. En 2012 sort son dernier album La Guinéenne. Depuis il s’était fait plus discret avec l’arrivée des grandes stars de la musique issus du Continent.
Sur son compte officiel, le président de la République de Guinée a posté en guise d’hommage : #Mory_Kanté La culture africaine est en deuil. Mes condoléances les plus attristées… Merci l’artiste. Un parcours exceptionnel. Exemplaire. Une fierté.