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[Vidéo] #France. L’avis des Noir.e.s compte : discrimination, déboulonnage des statues, culture, colonisation…

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Par Lise-Marie Ranner-Luxin / Images : Alain Hermann

Alors qu’Aux Etats-Unis le slogan Black Lives Matter (« La vie des Noirs compte ») secoue l’Amérique tout entière depuis la mort de George Floyd, en France, le débat se poursuit sur les discriminations dans la culture. Une partie de l’Amérique ne veut plus des statues des confédérés qui glorifient le passé esclavagiste de l’Amérique. En France, les Noirs ont leur avis sur la statuaire, aussi bien en France que dans ses anciennes colonies. Nous leur donnons la parole !

L’avis des Noirs compte, une série Black News

« L’avis des Noirs compte » ! est la série que nous allons consacrer aux différents témoignages que nous allons recueillir sur les sujets d’actualité dont les Noirs ont le sentiment d’être exclus et qui révèlent pour chacun, des conflits de mémoires, des cicatrices prêtes à se rouvrir. Cette semaine, l’avis de trois afrodescendants qui ont assisté à la conférence débat au Centre Pompidou (voir notre reportage Discriminations : que peut faire la culture ?), et celui de Stomy Bugsy, Louisy Joseph et MC Jean Gab’1 après la conférence de presse « Urgences panafricanistes » de Kémi Séba 

Anatche (Artiste/Chercheuse) : « Je devrais me sentir reconnaissante, alors que cette place me revient de droit »

Anatche est artiste et chercheuse d’origine camerounaise. Elle est déçue du débat. « Les institutions ne font pas d’effort, d’autoréflexion et d’actions concrètes pour repenser leurs responsabilités vis-à-vis de la question raciale et des questions de discrimination. La culture se veut progressiste, elle tend des mains à des artistes et s’enorgueillie de tendre cette main. En tant que Noire je devrais me sentir reconnaissante ? Cela me demande un effort de déconstruction, alors que cette place me revient de droit ». Sur la place des statues elle pense « qu’elles devraient aller dans un musée de la honte, les déboulonner voir pourquoi pas les donner à des artistes. Les mettre dans un lieu pour qu’elles soient questionnées et fassent la rééducation de la population […] On peut les jeter dans la Seine. L’Etat a jeté des corps racisés dans la Seine, des corps noirs, des corps d’Afrique du Nord dans l’impunité la plus totale ».

Zola Massela (Artiste)

Zola Massela (Artiste) : « Il faut qu’on assume nos ambivalences : pays des Droits de l’homme, et esclavagiste »

Zola est artiste et il est bien placé, pour s’exprimer sur le débat, il travaille au Centre Pompidou. Sur Colbert, son avis est tranché : « Il faut la déboulonner et provoquer un débat autour de ce déboulonnage et expliquer le pourquoi du comment. Colbert, ce n’est pas un fait d’histoire, c’est mémoriel. Pourquoi on l’a choisi lui, plutôt qu’un autre ? Et dans ce contexte on doit faire du nettoyage […] Il faut qu’on assume nos ambivalences d’être un pays des droits de l’homme et un pays esclavagiste. On doit évoluer. L’évolution passe par le déboulonnage avec explication, sans barbarie ni sauvagerie, et ce sera très très bien ».

Unam (Etudiant) : « Il faut des figures de l’émancipation des Noirs »

Unam est étudiant et Antillais. Pour lui, Colbert est très ambivalent pour les Antillais. « Colbert, c’est celui qui a tué nos ancêtres alors que c’est un homme important pour l’Etat » Sur le déboulonnage, il n’a pas d’avis parce que c’est en France ; pour lui, il faut contextualiser, mais en ce qui concerne les Antilles, il est d’accord pour le déboulonnage, notamment la statue de Schoelcher. Il veut qu’on ajoute des noms de figures de l’émancipation des Noirs. Il donne l’exemple de la statue de Solitude en Guadeloupe, surnommée la Mulâtresse Solitude qui était une résistante.

Stomy Bugsy (Artiste/Comédien) : « Décoloniser notre esprit et donner des noms africains aux enfants de demain »

Pour Stomy, grâce à Amílcar Cabral, le fondateur du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, PAIGC, et qui a amené à l’indépendance ces deux États colonisés par le Portugal, « le travail a été fait ». « On a pu faire le nettoyage des rues ». Il pense qu’il n’en reste pas beaucoup mais ajoute-t-il, « on va les dénicher et on les enlèvera ». Mais ce qui le gêne vraiment, c’est la statue de Faidherbe au Sénégal : « Il y a 40% de sang sénégalais en moi et ça me dérange qu’il y ait eu la statue de Faidherbe au Sénégal, il faut qu’elle tombe absolument ». En ce qui concerne Colbert : « cette statue me dérange mais j’aimerais que ce soit le peuple de France, mais les « Blancs » qui l’enlèvent. S’ils ne l’enlèvent pas, un jour les Noirs l’enlèveront ». Il rappelle que le peuple français a déjà enlevé des statues : « Louis XIV, Napoléon. Le prolétariat est éveillé et éclairé » ; il prend exemple sur la Révolution française : « un jour, ils l’enlèveront eux-mêmes cette statue. Mais d’abord, on s’occupe de l’Afrique et de sa diaspora, les Antilles, décoloniser les rues et surtout notre esprit » Il finit en disant : « les enfants de demain, donnez-leur des noms africains ».

Louisy Joseph (Artiste/Comédienne) : « Il ne faut pas commémorer nos ancêtres comme des martyrs »

Pour la chanteuse, l’histoire doit être connue de tous : « cette abolition ne doit pas être seulement fêtée entre nous ». Elle prend l’exemple de ses nombreux neveux avec lesquels elle aborde le sujet comme si c’était ses enfants et sa carrière où elle ne fait pas place à l’échec. Elle ajoute qu’elle a la force de conviction pour accompagner ses actions. Mais dit-elle : « tous les symboles de la population noire ne sont pas sans arrêt dans la violence ou dans l’effacement, mais dans un souci d’avenir et d’espoir ». Elle ajoute pour finir : « Il ne faut pas considérer nos ancêtres comme des martyrs, mais comme des modèles d’exemplarité, parce qu’ils ont cru et leur vie a changé quelques choses pour les nôtres. On les traite en martyrs alors que ce sont des héros ».

MC Jean Gab’1 (Artiste) : « Colbert, c’est un fait de bistrot »

MC Jean Gab’1, lui, ne va pas par quatre chemins, il s’en fout ! Il ne voit pas l’intérêt de retirer la statue de Colbert : « ça va changer quoi à l’histoire ? L’histoire a été écrite, nous avons perdu, stop basta ! Colbert, c’est un fait de bistrot » et ajoute « la personne qui est heurtée, ce n’est pas moi, c’est lui ».

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