#Royaume-Uni. Hommage à l’acteur Earl Cameron, décédé à l’âge de 102 ans
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Par Lise-Marie Ranner-Luxin
Il fut l’une des toutes premières figures noires du cinéma britannique. Sa longévité était loin d’être le seul aspect remarquable de son parcours. L’acteur Earl Cameron, qui est décédé à l’âge de 102 ans, paisiblement à son domicile de Kenilworth entouré de sa femme et de sa famille, a contribué à marquer l’histoire du cinéma.
Acteur noir de premier plan à une époque où les rôles étaient écrits pour des Blancs
Au terme de plus d’un siècle d’une existence qui l’a vu marquer l’histoire du cinéma britannique, Earl Cameron fut l’un des tout premiers acteurs noirs de premier plan à une époque où les rôles étaient écrits surtout pour des Blancs. Earl Cameron a fait de nombreuses apparitions notamment dans Opération Tonnerre face à Sean Connery dans la franchise « James Bond » et dans les années 2000 devant la caméra de Sidney Pollack dans L’interprète, de Stephen Frears dans The Queen ou encore Christopher Nolan dans Inception.
Bloqué à Londres en octobre 1939 par la Seconde Guerre mondiale, sa carrière démarre au Théâtre par hasard
Né dans les Bermudes, où un théâtre porte son nom depuis 2012, Earl Cameron s’était durant sa jeunesse engagé dans la Marine marchande et naviguait entre les Amériques, jusqu’à ce qu’il se retrouve fortuitement bloqué à Londres en octobre 1939 par la Seconde Guerre mondiale. Escale forcée au cours de laquelle il tombe amoureux, une bonne raison de rester amarré à la capitale anglaise ! Là, enchaînant les petits boulots, comme celui de cuisinier, il découvre un spectacle dans le West End grâce à un ami noir qui jouait un petit rôle, et se fait peu après une place, profitant de l’absence d’un autre acteur. Sa vocation était née, et Earl Cameron va au cours de la seconde moitié des années 1940 enchaîner les rôles au théâtre, à Londres et en tournée. Deep Are the Roots fut non seulement la pièce qui fit de lui le premier acteur noir à tenir un premier rôle dans le West End, mais elle lui permet aussi de rencontrer, lors de la tournée, celle qui allait devenir sa première épouse, Audrey, qui lui donna six enfants.
Au cinéma son personnage tombe amoureux d’une femme blanche, une première
Après ses débuts sur les planches, Earl Cameron s’illustre au cinéma, révolutionnant là aussi les codes de l’époque, encore peu enclines à accorder aux acteurs de couleur des premiers rôles. Il se révèle en 1951 dans Les Trafiquants du Dunbar, un film de Basil Dearden mêlant affaire de vol de diamants et histoire d’amour où son personnage s’éprends d’une femme blanche, situation alors inédite sur les écrans anglais. Il enchaîne ensuite les rôles : un docteur partagé entre son amour pour la civilisation occidentale et ses racines Kikuyu dans Simba, et un général dans Safari, deux films de 1955 sur la révolte des Mau Mau au Kenya, The Heart Within en 1957, Opération Scotland Yard en 1959 à nouveau de Basil Dearden ou encore roi d’Abyssinie dans Le Message en 1976, ainsi que plusieurs seconds rôles Tarzan le Magnifique en 1960, Flame in the Streets en 1961, Batasi en 1964.
« Il refusait de jouer des rôles qui dénigraient les personnes de couleur »
Sa disparition a suscité de nombreux hommages qui ont ému ses proches. « Notre famille est bouleversée par l’avalanche de marques d’amour et de respect reçues suite à l’annonce du décès de notre père », ont réagi ses enfants. « En tant qu’artiste et en tant qu’acteur, il refusait de jouer des rôles qui dénigraient les personnes de couleur ou véhiculaient des stéréotypes. C’était véritablement un homme qui restait fidèle à ses principes et qui était une source d’inspiration ». Pour sa contribution exceptionnelle aux arts, Earl Cameron avait été fait commandeur dans l’ordre de l’empire britannique lors de la promotion du Nouvel An 2009.