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#Opinion. Le mouvement #BlackLivesMatter peut-il déclencher un réveil africain ?

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La Rédaction

Nous vous livrons ici une réflexion de l’écrivaine et entrepreneure sud-africaine #MokyMakura, la nouvelle directrice de #AfricaNoFilter, un think tank collaboratif panafricain sur une projection possible de #BlackLivesMatter comme inspiration en Afrique. Une contribution parue sur CNN.

Le refus du Noir par le Noir

Une amie m’a raconté cette histoire. Quand sa fille avait sept ans, elle a dit à sa mère, en termes très clairs, qu’elle ne voulait pas d’enfants noirs à sa propre fête d’anniversaire. Mon amie a été choquée non seulement parce que sa fille et sa famille était noire, mais surtout parce que sa fille pensait que les noirs n’étaient pas le genre de personnes qu’elle voulait voir à sa fête. Elle n’arrivait pas à comprendre comment son enfant en était arrivé là. Après un moment, elle lui répond : « Eh bien, si tu insistes pour ne pas avoir de personnes noires à ta fête, alors techniquement cela signifie que tu ne peux pas venir à ta propre fête, et tes autres amis, ton frère et ton père non plus ». Sa fille a répondu à contrecœur : « OK, je suppose qu’on peut inviter tout le monde alors ».

Je raconte cette histoire non pas pour illustrer les défis de l’éducation des enfants ou le fait que le racisme vient d’endroits inattendus, mais pour partager de bonnes nouvelles ; aujourd’hui, cette enfant confuse, est maintenant une adolescente qui vit en Afrique du Sud, est devenue une grande activiste et une ambassadrice influente des médias sociaux pour la campagne #BlackLivesMatter des Américains. Et elle n’est pas la seule, de nombreux jeunes militants de salon, doués pour le numérique, venus de toute l’Afrique, se font les champions de ce mouvement irrésistible.

Les adolescents africains et d’autres devraient absolument faire preuve de solidarité envers leurs frères noirs aux États-Unis en soutenant #BlackLivesMatter. A un niveau plus profond, on pourrait dire que, puisque la condition des Afro-Américains est enracinée dans l’esclavage, et la nôtre dans le colonialisme, et que les architectes des deux sont blancs, il existe donc une compréhension commune qui lie les Africains à ce mouvement.

Moky Makura

 

L’impact de Black Lives Matter

Quoi qu’il en soit, ce mouvement a clairement un attrait mondial et pas seulement pour les adolescents. Il s’inspire en partie de la simplicité du message #BlackLivesMatter et de la dichotomie de ses protagonistes, la victime noire contre l’auteur blanc. Mais que se passe-t-il lorsque les Noirs sont à la fois victimes et bourreaux ? Les vies des Noirs ont-elles alors autant d’importance ?

Malgré les progrès réalisés sur le continent – nos économies en pleine croissance, nos démocraties légitimes, nos contributions culturelles et notre importance croissante sur la scène mondiale – il existe encore trop d’exemples d’injustices massives perpétrées par des Noirs à l’encontre d’autres Noirs chaque jour, qui attire peu d’attention et presque pas d’indignation. Pas de gros titres, peu de hashtags et aucun mouvement pour dénoncer ces injustices.

Les Noirs d’Afrique ne meurent peut-être pas à cause du racisme, mais beaucoup trop meurent en raison de leur appartenance ethnique, de leurs convictions politiques, de leur pauvreté et de leur sexe.

En tant qu’Africains, nous avons nos propres George Floyd, Eric Garner et Manuel Ellis. Les exemples sud-africains post-apartheid comprennent Andries Tatane, tué en 2011 lors d’une « manifestation pour la prestation de services », puis le massacre de Marikana en 2012, où 34 mineurs en grève ont été abattus par la police, et plus récemment Collins Khoza, qui aurait été tué lors du confinement du au Covid-19 dans le pays. Et ce n’est pas seulement en Afrique du Sud. Au Nigeria, il y a eu la récente fusillade policière présumée de Tina Ezekwe, 16 ans, et au Kenya le cas de Yassin Hussein Moyo, 13 ans, qui a été tué sur son balcon à la maison.

L’espoir de nouvelles icônes

Le continent qui nous a donné des icônes comme Kwame Nkrumah, Nelson Mandela, Fela Kuti, nous a aussi donné des milliers de héros anonymes qui ont sacrifié leur vie sans reconnaissance, sans campagne. Le génocide rwandais, les soulèvements xénophobes en Afrique du Sud, le règne de terreur de Boko Haram au Nigeria, sont autant de rappels de ces héros anonymes ; des Africains noirs qui ont souffert aux mains des Africains noirs. Ils nous rappellent que la lutte contre l’injustice n’est pas l’apanage des Blancs et qu’il n’est pas toujours question de race. Les Africains sont tout aussi complices pour faire en sorte que la vie des Noirs ne soit pas toujours importante.

Dans un geste ironique, le 29 mai, l’Union africaine a publié une déclaration condamnant le meurtre de Floyd, demandant à l’Amérique de « garantir l’élimination totale de toutes les formes de discrimination fondées sur la race ou l’origine ethnique ». Ironique car il n’y a pas le même niveau d’indignation lorsque des exemples de traitement inhumain des noirs par des noirs sont exposés dans nos pays. Pourquoi cela ? Vous vous souvenez de l’adage ? « Quand vous pointez un doigt sur un autre, il y a trois doigts qui vous montrent en retour ? »

Plaider en faveur des vies africaines, qu’elles comptent aussi, n’est pas humiliant ; au contraire, cela rend hommage au mouvement #BlackLivesMatter. Nous pouvons en tirer des leçons sur la façon de lancer des campagnes qui captent le monde, créent un changement social et améliorent le sort des opprimés en Afrique.

Merci, George Floyd, et à tous ceux qui vous ont malheureusement précédé. L’impact de votre décès se fait déjà sentir au-delà des États-Unis. La population jeune croissante de l’Afrique a été décrite comme une potentielle « bombe à retardement ». Espérons que cette bombe fera exploser une génération de jeunes militants comme la fille de mon ami qui utilisent cette opportunité pour combattre l’injustice dans leur propre pays.

Texte original : CNN


Moky Makura rejoint #AfricaNoFilter après avoir travaillé en tant que représentante de la fondation Bill et Melinda Gates en Afrique du Sud, responsable des relations avec le gouvernement et de la supervision de la stratégie de programme. Ancienne directrice adjointe de Gates pour la communication en Afrique, elle y était chargée de construire et de gérer la réputation de la fondation sur le continent. Avant la fondation Gates, Makura était directrice de la communication de la fondation Tony Elumelu au Nigeria.

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