Kénya. Lutte contre l’excision : une bataille perdue d’avance ?

Les ambassadrices kenyanes de la lutte contre les mutilations génitales féminines livrent une bataille perdue d’avance

Par Jackline Mwangi/Correspondante à Nairobi.

Sésame pour le mariage, pression sociale, résistance contre le néocolonialisme et conservation des valeurs culturelles, autant de raisons avancées pour justifier une pratique, officiellement interdite. Pourtant, le phénomène de mutilations génitales féminines (MGF) perdure, clandestinement, et quelques fois pratiqué par des médecins.

En 2011, les Nations Unies avaient réussi à contraindre le gouvernement kenyan à mettre fin aux mutilations génitales féminines (MGF) à l’intérieur de ses frontières, marquant ainsi le début de la campagne de lutte contre cette pratique. Alors que l’objectif d’un Kénya sans mutilations génitales féminines (MGF) était estimé à l’orizon 2023, force est de constater que le combat contre cette pratique semble perdue d’avance. Officiellement interdite, les MGF se font aujourd’hui clandestinement.

Les mutilations génitales féminines sont un aspect de la culture profondément enraciné dans certains pays africains. Les mutilations génitales féminines sont perçues comme une menace à vie pour la vie des filles, en plus de les priver de leur plaisir sexuel. Les médecins affirment que les cicatrices laissées sur les victimes sont sujettes à des complications si elles survivent à cette épreuve barbare.

Les progrès réalisés

Depuis que les MGF ont été interdites, ses orchestrateurs font l’objet de mesures juridiques strictes. Cependant, les fanatiques ne pouvaient pas se rendre sans se battre. L’interdiction s’est heurtée à la fois à l’acceptation et à la résistance, au succès et à l’échec. Pourtant, après près d’une décennie d’avancées notables, les ambassadrices de la lutte contre les MGF doivent faire face à la réalité : l’excision est devenue un commerce clandestin, difficile à éradiquer. La plupart des grandes campagnes de lutte contre les MGF ont toujours été des canulars. Les auteurs ont trouvé le moyen parfait de déjouer les règles et de maintenir la pratique en vie. Les ambassadeurs kenyans de la lutte contre les MGF semblent donc mener une bataille perdue d’avance.

Demander à une société d’éradiquer ses pratiques culturelles n’est pas facile. Plusieurs décennies, voire des siècles, sont nécessaires pour obtenir le succès escompté. Une lutte de dix ans n’a pas suffi pour éliminer les MGF au Kenya ; il y a donc beaucoup à faire.

L’excision, un sésame pour le mariage ?

La plupart des cours de lutte contre les MGF s’adressent aux filles et aux femmes, car elles sont les premières victimes de cette pratique. Les MGF étant considérées comme un pont vers l’âge adulte et comme un moyen de limiter les désirs sexuels excessifs, les femmes non excisées sont perçues dans de nombreuses cultures comme immatures et immorales. La pression exercée par les hommes et la société a forcé les filles à se soumettre à des MGF, car cela leur donne un billet pour le mariage. La pratique ne prend que quelques minutes et, en l’absence des célébrations habituelles, elle n’est jamais découverte. Les filles font semblant de tomber malades pendant quelques jours, pour reprendre leur vie normale, comme si de rien n’était.

Les résistances culturelles

Au Kenya, la circoncision des garçons est largement célébrée. Les femmes se demandent alors comment s’applique l’égalité entre les deux sexes, quand l’excision féminine est, elle, interdite. Pour parvenir à l’égalité, les communautés pratiquent l’excision de leurs filles en secret pour éviter les forces de l’ordre. Par conséquent, de nombreuses personnes considèrent l’interdiction de l’excision comme un moyen pour l’Occident d’exercer le néocolonialisme et d’éradiquer la culture africaine. Pour certaines, l’excision des filles est perçue comme un moyen de préserver la culture tout en faisant semblant de tenir compte des enseignements du gouvernement.

Les pratiquantes traditionnelles, dans les villages, ont aujourd’hui été remplacées par des médecins qui font de cette opération un commerce juteux. On estime cette proportion à 15 % de tous les cas de MGF au Kenya. Ces derniers prétendent répondre aux demandes de la communauté tout en renforçant les valeurs des femmes et donc leur capacité à se marier. La participation des médecins permet ainsi de maintenir la pratique malgré les efforts et les campagnes nationales déployés pour y mettre un terme. 

Quelles perspectives ?

Certains préconisent un renforcement dans l’éducation pour éclairer davantage ceux qui pratiquent cette barbarie, d’autres, la nécessité d’éduquer les garçons et les hommes sur les dangers des MGF, et d’éviter d’augmenter la pression sociale sur les femmes. En tout état de cause, la participation de tous à l’éradication de cette pratique est plus qu’urgente.

Jackline Mwangi

Diplômée de sciences du sport obtenu à l'université de Kenyatta, elle utilise sa passion pour l'écriture pour sensibiliser les gens à leurs droits, mettre en lumière les cas de brutalité policière et d'implication dans le crime pour freiner les agents de police malhonnêtes.

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Jackline Mwangi

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