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#BlacNewsArchives. Il y a 30 ans, « Amerikkka’s Most Wanted », marquait les débuts en solo d’Ice Cube

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Par Antoine Garnier

Le 16 mai 1990 sortait Amerikkka’s Most Wanted », l’un des albums majeurs de la décennie. Enregistré à Greene Street Studios par The Bomb Squad, l’équipe de production derrière Public Enemy, et Da lench Mob,  Amerikkka’s Most Wanted actait la séparation d’Ice Cube d’avec ses compères NWA (Dr Dre, Professor X, Eazy-E puis MC Ren et DJ Yella), le groupe le plus controversé du Gangsta Rap. A l’occasion de ce 30e anniversaire, nous vous vous proposons une interview réalisée par notre version papier, après des débuts à la production de films avec Friday Friday et The Players Club, et la naissance de son label, Heavyweight Records.

Né O’Shea Jackson, Ice Cube, originaire d’Inglewood (Los Angeles) commence sa carrière en 1988 au sein de C.I.A., avant de rejoindre NWA (Dr Dre, MC Ren, Eazy-E, DJ Yella). NWA, le premier groupe à avoir popularisé le gangsta rap — un million d’exemplaires de leur premier album, Straight Outta Compton (Ruthless), vendus sans passages radio —, et à provoquer la colère du FBI. Un véritable phénomène ! Le groupe se sépare en 1990, et Ice Cube embrasse une carrière solo couronnée par Amerikka’s Most Wanted et Kill At Will (1990/Priority Records), Death Certificate (1991), Predator (1992), The Lethal Injection (1993/Scarface Records), Bootlegs & B-Sides (1994/Priority) et Westside Connection.

Il monte ensuite son label, Lench Mob Records et entame une carrière d’acteur. Sa prestation époustouflante dans Boyz ‘N The Hood de John Singieton, a marqué les esprits, et lui a ouvert d’autres portes : des plus spécialisés (Higher Learning (Fièvre à Colombus Harlerr de Singieton) au plus mainstream (Dangerous Ground).

Le nom d’Ice Cube évoque, pour beaucoup, la pro­vocation. Une analyse partisane pour les adver­saires du « parler vrai », surtout lorsque ce dernier émane d’une « voix non autorisée ». Un terme au demeurant réducteur et forcément injuste pour cet artiste à la carrière parfois émaillée d’incidents. Pour d’autres, c’est le chantre d’une certaine indé­pendance d’esprit. Toujours est-il que lce Cube est l’un des artistes les plus redoutés et respectés pour ses textes à controverse. On se souvient de son appel à « brûler les magasins coréens » spécialisés dans la vente d’alcool de mauvaise qualité, qui poussent comme des champignons dans le ghetto de Los Angeles— les réalisateurs Noirs-Américains en ont souvent fait leurs lieux de prédilection (voir « Menace II Society » des frères Hugues).

On se sou­vient aussi de sa prise de position en faveur de la Nation de L’Islam, au moment le plus chaud de la mise en accusation de ce mouvement comme étant antisémite, anti-Blancs. Ice Cube a choisi jus­tement cette époque pour marquer sa différence avec d’autres rappeurs manifestement gênés par tout le remue-ménage fait autour de cette organisation, même si, officieusement, ils partageaient une grande partie de son analyse. Tout ceci a contribué à lui conférer un statut de grande gueule qui ne connaît aucun tabou. Aujourd’hui, c’est la cape de réalisateur qu’il revêt pour son premier long métrage, The Players Club, avec dans les rôles principaux Bernie Mac, Monica Calhoun, AJ. Johnson, Alex Thomas, Jamie Foxx, John Amos et lui-même, sorti récemment aux Etats-Unis.

« La différence entre être devant et der­rière la caméra réside dans le fait que lorsque tu es acteur, ta seule préoccupation, c’est de jouer, traduire le mieux ce que le réalisateur attend de toi ; mais quand tu diriges un film, tu dois faire attention à tout, aussi bien aux acteurs qu’aux gens qui t’entourent jusqu’au verre d’eau. Ce sont deux challenges différents que j’aime bien », explique-t-il.

Cinéma

BN Update : Quel est le sujet du film ?

IC : II s’agit d’une jeune strip-teaseuse qui vit dans le sud profond des États-Unis, avec tous les incon­vénients que cela comporte. Elle doit faire avec pour améliorer sa situation, donc jouer le jeu pour prendre ce que le club peut lui offrir, en gros le film parle de sa vie dans ce club, le Players Club. C’est une histoire d’actualité.

« Heavyweight est une réponse à personne, je ne fais jamais rien par rapport à quelqu’un. Ça fait longtemps que je suis dans ce business et je ne suis pas là pour emmerder mon voisin qui, aussi, fait son business ».

BN : pourquoi as-tu choisi ce sujet ?

IC : Parce que je trouvais qu’il était aussi intéres­sant que « Boys N The Hood » et surtout parce que c’est une histoire dont on n’avait jamais parlé. J’ai voulu faire de cette histoire dramatique une comé­die. Aux Etats-Unis, des jeunes filles veulent devenir strip-teaseuses, c’est un phénomène important et c’est dans cette perspective que j’ai fait ce film.

BN Up. : Que penses tu des filles qui font ce choix ?

 

IC : C’est de l’argent facile. Il y a tellement de gens qui aiment le sexe que pour ces filles, il est facile de se faire de l’argent. Elles n’ont qu’à prendre soin de leurs corps, apprendre à danser et le tour est joué. Et de surcroît, elles peuvent travailler quand elles veulent, sans contraintes horaires.

BN Up. : Comptes-tu explorer d’autres sujets encore inexploités par des réalisateurs noirs ?

IC : Oui, j’explore plein de choses, c’est juste que j’essaie de faire de mon mieux dans tout ce que je fais. Et je cherchais une histoire pas encore vue qui parle d’un sujet sérieux. Mon film ne parle pas que de seins et de fesses, mais aussi de pro­blèmes auxquels ces filles sont quotidiennement confrontées. Et dans ce genre d’histoires, j’aime être derrière la caméra et regarder les gens jouer afin d’en tirer le maximum et d’en faire quelque chose de potable, une vraie histoire.

BN Up. : Peut-on dire que les sujets sur les ghettos ont vécu ?

IC : Tant qu’il y aura des ghettos, il y aura des films sur la vie dans le ghetto. Mais ce n’est pas parce qu’on fait un film sur un sujet une fois ou deux que cela résoudra le problème de dix-huit millions de personnes.

BN : Penses-tu que les réalisateurs noirs doi­vent parler de sujets plus large pour atteindre le grand public ?

IC : Bien sûr, mais à Hollywood, les réalisateurs Noirs et leurs films sont de plus en plus acceptés. Des films comme Soul Food ou Waiting To Exhale (« Où sont passés les hommes ? ») qui trai­tent des sujets différents mais toujours sur la communauté noire, sont bien passés, donc nous entrons dans une nouvelle ère. Dans les années à venir, de plus en plus de films sur la commu­nauté noire verront le jour. Nous ne sommes qu’à la naissance du cinéma noir. Aux États-Unis, nous n’avons pas l’explosion et le succès que nous aurions souhaité, donc avec des films à petit bud­get comme le mien, nous devons lutter afin d’avoir un jour de plus gros budgets, et de meilleures conditions de travail. On ne peut pas faire un film sur le rêve américain avec seulement trois ou quatre millions de dollars. (…) Mon film a été doté de cinq millions pour la réalisation et trois millions pour la promotion.

BN Up : Dans combien de salles est-il diffusé ?

IC : Hollywood combat les indépendants avec leurs productions à gros budget et nous ripostons en essayant d’avoir le maximum de salles pos­sibles. Le mien est diffusé sur six cents écrans. Après le premier week-end, il a été classé troisiè­me, derrière des films comme Lost In Space et Titanic ; proportionnellement au nombre de salles et au budget que nous avons eu, mon film est classé premier.

Musique

BN Up : Quelle est la différence entre Lench Mob Records, ton ancien label et Heavyweight Records, le nouveau ?

IC : Lench Mob était un label indépendant dans lequel j’ai investi mon propre argent ; Heavy­weight est une joint-venture avec A&M, avec toute la structure de cette dernière et la puissan­ce de distribution de Polygram.

BN Up : Es-tu surpris de l’explosion d’artistes produits par des indépendants comme c’est le cas par exemple avec Master P ?

IC : Non, je ne pense que quelqu’un sur la West Coast soit surpris, car nous avons fait la même chose avec NWA, qui était produit par un indé­pendant, Ruthless Records. Et de nombreux groupes d’ici ont réussi ainsi. Ce qui est surpre­nant, c’est la rapidité et le fait que ce soit devenu aussi énorme, au point qu’ils puissent être consi­dérés comme des majors. C’est ce qui étonne et incite beaucoup de gens aussi bien de la Côte Est et d’ici à faire de même. C’est l’opportunité qu’a eu Master P avec le genre de musique qu’il fait et qui convient à l’Américain moyen. Mais c’est aussi une question de coût de la vie.

 

A Los Angeles la vie est chère, les studios, publicité, tout dans cette ville, donc faire un label indépendant n’est pas chose facile. Master P, par exemple, vient de la Nouvelle Orléans et là-bas, la vie est moins chère, il peut donc se permettre de faire autant de productions qu’il veut. De plus, ici, tout le monde fait des disques alors en utilisant l’argent de Polygram, je peux faire face à cette concurren­ce et mener à bien mon projet.

« NWA a rendu possible ce qui arri­ve aujourd’hui, car avant, les gens se disaient qu’ils n’auraient ni passages radio ni promo avec ce genre de textes. NWA a dit « Yo ! Allez à la fenêtre, dites ce que vous avez envie de dire et vendez encore plus de disques ».

BN Up : Ce label est-il une réponse à Bad Boy de « Puffy » ?

IC : Non, ce n’est une réponse à personne, je ne fais jamais rien par rapport à quelqu’un. Ça fait longtemps que je suis dans ce business et je ne suis pas là pour emmerder mon voisin qui, lui aussi, fait son business. Moi je m’occupe du mien et de ma carrière (…) Sur ce label, je vais faire du hip hop. Ma première production est un jeune rappeur du nom de Short Khop qui sera certainement le nouveau phénomène de la Côte Ouest. Pour le moment, on développe son talent, on travaille jus­qu’à ce qu’il soit prêt à signer sur une major.

BN Up : Peux-tu nous parler de ton prochain album, War And Peace ?

IC : War & Peace est le pur album solo d’Ice Cube depuis 1993. Il est basé sur le même concept que Death Certificate avec une « Dark Side » (partie sombre) et une « Life Side » (partie de la vie), à la différence qu’il sera présenté sous forme de deux albums qui sortiront en même temps, cet été.

(…) Il n’y aura pas vraiment beaucoup de guests parce que ces cinq dernières années, j’ai participé à de nombreux titres avec d’autres rappeurs comme ce que j’ai fait avec Westside Connection ou des titres que j’ai produits pour d’autres ; cette fois-ci, ce sera vraiment l’album de et produit par Ice Cube. Il y aura également Dutch qui a produit « We Be Clubbin’ » (B.O. Players Club).

BN Up : Quand on voit la carrière du gangsta rap, avec le recul, que penses-tu de la période NWA ?

IC : Disons que NWA a rendu possible ce qui arri­ve aujourd’hui, c’est-à-dire qu’il a permis aux gens de dire ce qu’ils ont envie de dire sur un disque. Car avant, les gens se disaient qu’ils n’auraient pas de passages radio avec ce genre de textes, qu’ils ne bénéficieraient pas de promotion nécessaire pour vendre un album. NWA a dit « Yo ! Allez à la fenêtre, dites ce que vous avez envie de dire et vendez encore plus de disques ».

« Un album avec Dre ? Cela n’arrivera pas, j’en ai parlé avec lui, je ne connais pas ses raisons, mais il ne veut pas le faire. »

BN Up : On a entendu parler d’un album avec Dr Dre, où ça en est ?

IC : Cela n’arrivera pas, j’en ai parlé avec Dre, je ne connais pas ses raisons, mais il ne veut pas le faire.

BN Up : Et l’aventure Westside Connection, va-t-elle se renouveler ?

IC : Tu sais, Westside Connection a été une expé­rience ponctuelle ; au moment où on l’a fait, on en ressentait vraiment le besoin, mais je ne sais pas si chacun pourra mettre de côté sa propre carrière pour se consacrer à un groupe. Je » ne

BN U : Cela faisait-il partie du plan marketing du businessman Ice Cube ?

IC : Dans ma carrière, je ne fais vraiment jamais les choses parce que ça répond à un plan busi­ness. Il faut bien comprendre que l’idée de Westside Connection est venue de nous : Mack 10, WC et Ice Cube. C’est une association d’ar­tistes West Coast, mais nous avons fait l’album avant qu’il soit présenté comme un gros coup commercial West Coast contre East Coast. On l’a fait parce que c’est ce que nous ressentions à ce moment-là, l’envie de nous mettre ensemble pour faire quelque chose.

C’est vrai qu’avec le recul, je réalise que ça a été un bon plan pour ma propre carrière : me remettre dans la situation d’appartenir à un groupe comme au temps de NWA. Mais, je l’ai fait parce que ça venait du cœur, j’ai mis en péril ma position d’artiste solo en faisant cet album, dans mon esprit il n’y avait aucun désir de polémiques East Coast/West Coast. Je l’ai vraiment fait parce que c’est ce que je ressentais dans mon cœur d’artiste West Coast, et c’est pourquoi je dis que je ne pense pas que l’expérience se renouvellera.

Article original sur blacknewsmagazine.com : Ice Cube, le cauchemar américain

 

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1 Comment

  • #GeorgeFloyd alias Big Floyd faisait partie de la scène rap de Houston.
    4 ans ago Reply

    […] Ice Cube l’un des plus grands auteurs du Gangsta rap, qui s’est exprimé ces jours-ci, racontait déjà les bavures policières avec le groupe NWA. Notamment sur le morceau Niggaz 4 life, sorti le 28 mai 1991. Vingt-neuf ans presque jour pour jour avant la mort de George Floyd. Dans un tweet inflammatoire retiré depuis, Ice Cube avait posé la question : « Combien de temps encore pour ce crime Blue on Black jusqu’à ce que nous ripostions ?» […]

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